En France, l’apiculture rassemble 70 000 amateurs ou professionnels. Si un effet de mode se fait sentir, la plupart des éleveurs d’abeilles sont réellement investis dans le maintien d’une tradition ancienne et pour la sauvegarde des abeilles.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’apiculture n’est pas facile. Et beaucoup d’apiculteurs débutant abondamment prématurément leur nouvelle passion. Bien que les abeilles soient capables de trouver leur nourriture, elles sont maintenant victimes des parasites, des prédateurs et des polluants. L’apiculteur doit donc intervenir régulièrement pour conserver son cheptel en bonne santé.
Pour être performant en apiculture, il est nécessaire de bien connaître la biologie des abeilles. Mais il faut aussi être un bon observateur. Car les signes de dysfonctionnement d’une colonie sont souvent difficiles à percevoir. Heureusement, la technologie peut venir en aide aux apiculteurs. Cet article vous présente comment l’apiculture de précision est utilisée et quels sont les résultats obtenus.
Qu’est ce que l’apiculture ?
L’apiculture est l’élevage des abeilles. Cette pratique est apparue il y a 4500 ans dans la vallée du Nil en Egypte. Elle s’est par la suite répandue tout autour de la Méditerranée, au Moyen-Orient et en Europe.
Dans les régions chaudes, les premières ruches se présentaient comme des cylindres en terre cuite. Mais il s’agissait souvent de tronc d’arbre creux et de panier d’osier dans les régions tempérées. Durant l’antiquité, le Moyen-Âge et jusqu’à la fin de la Renaissance ces techniques sont restées les mêmes. Les abeilles venaient s’installer dans ces ruches primitives et les apiculteurs récoltaient quelques mois plus tard leur miel et leur cire.
Ce n’est qu’au 19ème siècle que l’apiculture connaît une première révolution technologique, par l’invention des ruches à cadres. Car à partir de cette époque, il sera nécessaire d’augmenter la production de miel pour satisfaire la demande d’une population urbaine croissante. L’apiculture n’est plus seulement une pratique d’autoconsommation. Des ruchers écoles se créent et des apiculteurs professionnels y sont formés.
Ces mêmes ruches à cadres sont encore utilisées de nos jours. Leur conception ingénieuse permet une ouverture facile et la manipulation des rayons de cire qui sont placés sur des cadres amovibles. Ainsi, l’apiculteur peut récolter du miel, diviser sa colonie, inspecter l’état des larves d’abeilles, sans mettre en péril ses insectes. Car auparavant la récolte détruisait généralement le nid et causait la perte de la colonie.

Ces ruches à cadres, que l’on appelle aussi ruches modernes, se déclinent en de nombreux modèles. Les plus connus et employés en France sont :
- La ruche Dadant
- La ruche Langstroth
- La ruche Warré
- La ruche Voirnot
Cette première révolution apicole s’est accompagnée par l’invention d’autres outils que nous employons toujours, comme l’enfumoir et l’extracteur à miel. Ainsi l’apiculture actuelle repose en grande partie sur des principes d’élevage et des matériels vieux de deux siècles.
Mais nous sommes peut-être en train de vivre une seconde révolution apicole. Avant de vous en dire plus sur cette apiculture 3.0, il est nécessaire de présenter brièvement les abeilles et le fonctionnement d’une colonie.
Quels est le comportement d’une colonie durant une année ?
Les abeilles sont des insectes de l’ordre des Hyménoptères, tout comme les guêpes et les bourdons. Elles vivent en colonies de plusieurs milliers d’individus. Et dans chaque colonie se trouve une reine, des ouvrières et durant le printemps et l’été des mâles que l’on nomme aussi faux-bourdons.
Les colonies d’abeilles se reproduisent par essaimage et toute l’organisation d’une colonie est tournée vers la préparation de cet événement majeur. Durant l’essaimage, une reine quitte la ruche avec la moitié des ouvrières. Cet essaim va se mettre en quête d’un nouvel abri pour fonder une nouvelle colonie. Ainsi, si les conditions sont optimales, un ou plusieurs essaims peuvent quitter une ruche.
Mais pour qu’une colonie puisse essaimer, elle doit produire suffisamment d’individus. Elle doit aussi être pourvue de suffisamment de miel pour que les abeilles sur le départ remplissent leur jabot, en prévision des quelques jours d’errance. Il faut donc que la colonie soit suffisamment forte, en bonne santé et que ces rayons de cire soient garnis d’abondantes réserves de miel.
L’apiculteur ne partage pas le même idéal que ses abeilles. Pour lui, chaque essaimage représente la perte d’une partie de sa main d’œuvre et de quelques kilogrammes de miel. L’apiculteur s’emploie donc à inhiber ce départ ou au moins à récupérer les abeilles fugitives, pour les placer dans une ruche vide.
Si vous souhaitez en savoir davantage sur le phénomène de l’essaimage, consultez l’article suivant https://blog.idlwt.com/quest-ce-que-essaimage/
L’apiculture est donc une pratique qui s’appuie sur une bonne connaissance des abeilles et qui exerce sur elles quelques contraintes. C’est souvent comme cela que l’on tire profit de la nature. Bref, l’apiculture est l’une des nombreuses formes d’élevage que l’on exerce en agriculture ou pour son simple plaisir.
Comment l’usage de la technologie peut-il aider l’apiculteur ?
Depuis quelques années, l’usage de capteurs et le traitement de données recueilli ont fait leur apparition en apiculture. Tout d’abord dans les laboratoires universitaires et dans des centres de recherche apicole.
L’objectif de ces travaux scientifiques étant de mieux comprendre le fonctionnement d’une colonie et la biologie des abeilles. Mais aussi d’initier et d’impliquer les étudiants dans des études transversales où la biologie et l’électronique sont associées. Par exemple, de telles recherches sont menées par les enseignants et les étudiants de l’Université de Mulhouse. Pour en savoir davantage, consultez la page suivante :
http://www.projetsgeii.iutmulhouse.uha.fr/ruche-connectee/
Puis, ces technologies ont été utilisées par des apiculteurs amateurs et quelques apiculteurs professionnels, pour détecter la collecte du nectar par les butineuses et prévoir la date de la récolte du miel. Mais aussi par curiosité et appétence pour l’IoT.
L’apiculture de précision est née. Depuis, elle convertit de plus en plus d’apiculteurs. Certains sont attirés par les technologies et veulent en apprendre davantage sur les abeilles. D’autres ont besoin de solutionner des problèmes de production et de rentabiliser leur entreprise.
L’usage de l’IoT dans les ruches ne se fait pas au hasard. Et nous allons présenter les principaux phénomènes que l’apiculteur va mettre sous écoute avec divers capteurs.
Détecter la reprise de la ponte et la présence du couvain
À la fin de l’hiver la reine reprend sa ponte et le couvain se forme. Alors, la colonie produit davantage de chaleur. Car le couvain – terme qui désigne l’ensemble des œufs, des larves et des nymphes – a besoin d’une température stable de 30 à 35°C pour se développer correctement.
Le suivi de la température au moyen d’une sonde permet de détecter facilement le moment de la reprise de la ponte royale. Ceci renseigne l’apiculteur sur la présence d’une reine. Et évite ainsi une inspection des rayons pour noter la présence d’œufs. Car l’ouverture d’une ruche s’accompagne du refroidissement du couvain. Cette perte de chaleur peut conduire à l’apparition de maladies microbiennes graves pour la colonie.
Prévoir l’essaimage et signaler le départ d’un essaim
L’essaimage se produit au printemps et plus rarement en été. Il suit une frénésie que l’on nomme fièvre d’essaimage. Le départ d’un essaim est conditionné par la densité de la population d’ouvrières. Lorsque celles-ci sont nombreuses dans un volume réduit, l’essaimage devient imminent. La quantité et l’état du couvain ont aussi un impact sur le déclenchement de la fièvre d’essaimage.
Le départ d’un essaim est une perte d’abeilles pour l’apiculteur. Il dépeuple une colonie qui sera alors moins productive en miel. L’ancienne reine quitte aussi les lieux. Lorsqu’il s’agit d’une reine sélectionnée, on risque alors de perdre une génitrice de grande qualité et souvent de valeur.
Pour pallier ces pertes économiques pour l’exploitant, des chercheurs s’intéressent aux signes qui annoncent suffisamment tôt cette fièvre d’essaimage. La production par les ouvrières de vibrations d’une certaine fréquence est le signal le plus facilement interprétable.
Ainsi la pose de microphone à l’intérieur de la ruche permet de détecter les vibrations produites par l’ensemble de la colonie. Une transmission à un ordinateur et un traitement de ces données permettent d’alerter l’apiculteur, pour que celui-ci puisse intervenir sur ces ruches. Ceci se traduit par l’ajout d’une hausse sur le corps de ruche et de cadres vides. L’apiculteur peut aussi décider de diviser sa colonie en deux.
Mais parfois la fièvre d’essaimage ne se calme pas et la reine quitte la colonie avec la moitié des ouvrières. L’essaim va se poser – dans un premier temps et pour quelques heures – à proximité de la ruche d’où il est sorti. Dans ce cas, le poids de la ruche va brusquement diminuer.

Un essaim est formé par au moins 10 000 abeilles et pèse alors plus d’un kilogramme. Une balance connectée est placée sous la ruche et la variation de point est immédiatement reportée. L’apiculteur est averti en recevant une alerte sur son téléphone.
Il est alors possible d’intervenir immédiatement et de récupérer l’essaim pour l’introduire dans une nouvelle ruche. L’apiculteur peut ainsi augmenter chaque année son cheptel de plusieurs colonies. Dans un contexte de forte mortalité des colonies, c’est une garantie supplémentaire qui s’offre à lui.
Évaluer les réserves de miel accumulée
La balance placée sous une ruche permet de suivre continuellement l’évolution du poids de la ruche. Il est ainsi possible de quantifier la masse de nectar rentrée chaque jour par les butineuses. Bien entendu, le poids est aussi modifié par :
- la perte d’eau, lorsque le nectar est déshydraté et transformé en miel
- La rentrée en fin de journée de milliers de butineuses
- L’accroissement progression au printemps du nombre d’abeilles
- La diminution à l’automne de cette même population
L’apiculteur, s’il connaît bien la biologie et le comportement des abeilles, peut en déduire si la miellée (la production de nectar par les fleurs des alentours) a débuté. Mais aussi lorsqu’elle se termine et quand il sera temps d’ajouter ou de récupérer les hausses pour récolter le miel.
La plupart des apiculteurs professionnels pratiquent la transhumance de leurs ruches. Ainsi, ils peuvent profiter de miellées continuent en changeant périodiquement les colonies d’emplacement. Mais cela les conduit souvent à s’éloigner de leur atelier. Les ruches connectées permettent ainsi d’optimiser la production de miel et d’éviter des déplacements trop tardifs.
Surveiller l’état sanitaire de la colonie
Chaque année, des milliers de colonies meurent de maladie ou de famine. La mortalité annuelle atteint souvent 30% et parfois même 50%. Ce qui est difficilement compatible avec le maintien d’une apiculture rentable et la survie de l’abeille dans les écosystèmes. Ces pertes s’expliquent par :
- L’usage des pesticides par l’agriculture conventionnelle et par les jardiniers amateurs,
- La destruction des milieux naturels et la disparition des plantes mellifères,
- L’introduction et la prolifération de parasites et de prédateurs,
- Le changement climatiques et l’instabilité météorologique
Les parasites et les prédateurs sont particulièrement virulents depuis quelques années. Les plus dangereux ont été involontairement introduits par l’Homme. Les abeilles n’ayant pas évolué avec ces ravageurs, elles sont incapables de se défendre efficacement.

Le premier ravageur des ruches est le varroa. Il s’agit d’un acarien qui s’attaque aux larves des abeilles et aux jeunes adultes. Il se nourrit de l’hémolymphe et du corps gras des insectes. Lorsque beaucoup de varroas infestent une colonie, les abeilles trop faibles meurent prématurément. Dans un premier temps, la colonie produit moins de miel. Puis, toutes les abeilles meurent en masse. On parle d’effondrement des colonies.
Le second ravageur est le frelon asiatique. C’est un prédateur redoutable qui peut exterminer en quelques jours une colonie d’abeilles. Il chasse les butineuses qui tentent de rejoindre leur ruche. Et il alimente ses larves avec ses proies.
En France, l’apiculture n’est durable que si les ravageurs sont traités ou écartés. Plusieurs méthodes et traitements existent. Mais ils ne sont réellement efficaces qu’à condition d’être appliqués au bon moment.
L’apiculture de précision peut venir en aide à l’apiculteur, en mettant en place une surveillance continue de l’état sanitaire des colonies. Des outils sont développés pour compter les acariens présents dans les ruches. D’autres pour alerter l’apiculteur lorsque des frelons sont trop nombreux sur le rucher.

Beewise, une start-up israélienne dirigée par Saar Safra a inventé une ruche connectée particulièrement performante. Il s’agit de la Beehome. Celle-ci est mobile et reçoit de nombreuses colonies. Elle peut être transportée pour les transhumances ou assurer la pollinisation des champs cultivés. Mais elle est surtout capable de surveiller l’état sanitaire des colonies qu’elle contient et d’effectuer des traitements anti-varroas en cas de nécessité.
La Beehome est aussi capable d’effectuer toutes les mesures citées : température intérieure et extérieure, humidité, vibrations, poids des colonies,… Et vous ne serez pas surpris d’apprendre qu’elle est aussi capable de réaliser la récolte du miel sans l’intervention de l’apiculteur. La présence de ce dernier est pour le moment nécessaire lorsqu’il faut collecter le miel extrait par la ruche robotisée.
Repérer les ruches volées
L’équipement électronique le plus communément trouvé dans une ruche connectée est le traceur GPS. Le vol de ruches étant une menace sérieuse pour les apiculteurs et beaucoup n’hésitent plus à s’équiper.
Malgré un prix encore élevé, la pose des traceurs sur quelques ruches peut protéger tout au cheptel. Car ces émetteurs sont discrets. Et rien ne distingue une ruche qui en ait équipé d’une autre.
Lorsqu’une ruche est déplacée, son propriétaire reçoit une alerte. Et les informations sur la géolocalisation sont périodiquement transmises à l’apiculteur. Il est alors facile de suivre le déplacement des colonies volées et de remettre ces informations à la gendarmerie ou à la police.
La surveillance des ruches peut être complétée par un système de vidéo-surveillance. Des caméras surveillent les abords du rucher et transmettent ces images en direct. L’apiculteur peut aussi surveiller que des ruches n’ont pas été renversées par des animaux sauvages ou par un violent coup de vent.
Pour résumer
L’apiculture 3.0 est-elle sur le point de bouleverser les habitudes des apiculteurs. Après deux siècles de pratiques inchangées, l’usage des capteurs et du traitement des données ne s’impose pas facilement. Mais dans un contexte compliqué par l’arrivée du varroa et du frelon asiatique, les apiculteurs professionnels trouvent leur intérêt à investir dans des ruches connectées.
Avec l’usage des ruches connectées il est plus facile de gérer plusieurs ruchers itinérants et souvent distants de plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres. La surveillance à distance est un gain de temps et rend le travail moins laborieux. Le traitement de l’information permet aussi de limiter le nombre des ouvertures des ruches. Les abeilles sont alors moins stressées et donc en meilleure santé.
L’apiculture de précision facilite l’optimisation de l’exploitation agricole et augmente la production de miel. Elle peut aussi améliorer l’état sanitaire des colonies et diminuer le taux de mortalité.
Si par le passé, l’usage des capteurs et des logiciels étaient réservés aux universitaires et aux férus d’IoT, des firmes commercialisent maintenant des équipements et des applications faciles à prendre en main. Que l’on soit professionnel ou amateur, rien ne s’oppose à rester connecté à ses abeilles.
En apprendre plus sur l’apiculture :